La lumière diffuse galactique La lumière diffuse galactique (DGL) est une lumière diffuse observée dans l'UV, le visible et le NIR, même dans les régions les plus sombres du ciel. Elle résulte de la diffusion de la lumière des étoiles sur les grains de poussière. C'est un effet bien connu à proximité des étoiles brillantes mais le même effet est également observé loin des sources lumineuses, même dans le milieu interstellaire (MIS) diffus qui est éclairé par le champ de rayonnement interstellaire global (la somme de la lumière de toutes les étoiles). La DGL est maintenant observée de façon routinière, avec des télescopes dédiés aux observations de faible luminosité de surface (ex: DRAGONFLY), avec des caméras spécifiques sur grands télescopes (ex: Megacam sur le CFHT), et même par des astronomes amateurs.

Fig. 1. The Angel Nebula. Diffuse Galactic light observed by amateur astronomers. It is a diffuse interstellar cloud located close to the Ursa Major region, at a distance of about 200 pc.

Fig. 1. The Angel Nebula. Diffuse Galactic light observed by amateur astronomers. It is a diffuse interstellar cloud located close to the Ursa Major region, at a distance of about 200 pc.

L'intérêt pour la DGL est aujourd'hui accru pour plusieurs raisons. Tout d'abord, elle offre une nouvelle façon d'imager la structure du MIS avec le plus de détails possible sur de grandes surfaces. Deuxièmement, la DGL apporte de nouvelles informations sur les propriétés des grains de poussière interstellaires, et sur leur évolution au cours de leur voyage vers la formation des étoiles et des planètes. Enfin, la DGL est considérée comme une contamination potentielle pour les expériences cosmologiques observant dans le visible, comme Euclid ou Vera C. Rubin (ex-LSST). Pour de telles expériences qui visent à mesurer la forme des galaxies avec une grande précision, la DGL, très anisotrope et filamenteuse, doit être soit évitée, soit soustraite des observations.

Fig. 2. CFHT-Megacam (band i) observations of the diffuse Galactic light at high Galactic latitude. The wispy DGL resulting from starlight scattered on dust grains, reveals the interstellar medium structure but also produces a challenge to measure the shape of background galaxies.

Fig. 2. CFHT-Megacam (band i) observations of the diffuse Galactic light at high Galactic latitude. The wispy DGL resulting from starlight scattered on dust grains, reveals the interstellar medium structure but also produces a challenge to measure the shape of background galaxies.

Impact pour Euclid La zone de couverture d'Euclid est si grande (15 000 degrés carrés) qu'une fraction importante des données devrait être affectée par la DGL. Le MIS ne contaminera pas seulement l'émission extra-galactique, il l'absorbera également et la fera rougir. Par conséquent, la dépendance spectrale de l'extinction (la somme de l'absorption et de la diffusion), et ses variations dans le ciel, doivent être connues avec précision afin d'atteindre les objectifs cosmologiques de ces missions. Actuellement, les connaissances sur les poussières interstellaires ne sont pas à la hauteur de la tâche. Les modèles d'extinction des poussières disponibles qui couvrent toute la zone d'observation d'Euclid sont basés sur des observations d'émission des poussières dans l'IR lointain / submm, avec une résolution angulaire d'environ 5 arcmin, qui doit être comparée à la résolution d'Euclid de 0,2 arcsec. En outre, ces modélisations de l'extinction visible reposent sur une courbe d'extinction constante sur l'ensemble du ciel. Le spectre de l'albédo de la poussière, responsable de la diffusion dans le visible, est assez peu contraint par les observations astronomiques. Seule une poignée d'études ont été consacrées à ce sujet, la plupart dans des régions de formation d'étoiles brillantes. Des variations significatives sont observées dans ce petit échantillon et il est très difficile à ce stade de faire des prédictions précises sur le niveau de lumière diffusée que des expériences optiques comme Euclid vont détecter.

Fig. 3. The Euclid footprint displayed over the full sky as seen by Gaia. The regions within the blue lines (the Galactic and ecliptic planes) are excluded from the survey. The sky outside this regions is part of the Euclid wide survey, spanning about 15000 square degrees.

Fig. 3. The Euclid footprint displayed over the full sky as seen by Gaia. The regions within the blue lines (the Galactic and ecliptic planes) are excluded from the survey. The sky outside this regions is part of the Euclid wide survey, spanning about 15000 square degrees.

Fig. 4. The all-sky dust emission as measured in the far-infrared and sub-millimeter by the Planck and IRAS satellites. This model of dust emission is used to predict DGL contamination for Euclid but it has a low resolution (5') and assumes a constant extinction curve.

Fig. 4. The all-sky dust emission as measured in the far-infrared and sub-millimeter by the Planck and IRAS satellites. This model of dust emission is used to predict DGL contamination for Euclid but it has a low resolution (5') and assumes a constant extinction curve.

L'évolution de la poussière interstellaire Ces informations sur le spectre d'extinction des poussières et ses variations dans le ciel, clés du succès des expériences cosmologiques, sont exactement les mêmes que celles qui sont fondamentales pour la physique du MIS. En effet, au cours des dix dernières années, nous avons découvert que les grains de poussière interstellaires évoluent même dans le MIS diffus, loin des régions de formation d'étoiles, révélant ainsi sa nature réactive. Le MIS diffus, de faible luminosité, était considéré comme plutôt homogène en termes de propriétés des grains et bien expliqué par les modèles actuels. C'était avant l'avènement des données Planck, qui ont fait voler en éclats cette image d'un milieu relativement simple, calme et statique.

En confrontant les données Planck avec les estimations d'extinction, la Collaboration Planck a montré que le ratio émission / extinction prédit par les modèles de grains standards est faux d'un facteur 2 à 3 (Planck Collab. XXIX. 2016). Ils ont montré que la luminosité de la poussière est indépendante de sa température, alors que son opacité diminue avec l'augmentation de la température (Planck Collab. XI. 2014). Cela était contre-intuitif par rapport à ce que nous pensions savoir sur la poussière du MIS diffus.

D'autres études ont depuis révélé que la poussière interstellaire évolue à des stades plus précoces que ce que l'on pensait auparavant. Si des changements importants dans les opacités des poussières étaient inattendus, les variations significatives du rapport de masse gaz/poussière ne l'étaient pas moins. Jusqu'à récemment, ce rapport, souvent appelé le rapport de Bohlin, était considéré comme canonique. Cependant, les dernières observations ont montré que ce rapport est plutôt supérieur de 20 à 60% à ce que l'on pensait auparavant et qu'il est sujet à des variations locales (ex: Nguyen et al. 2018). Ces nouvelles contraintes d'observation soulèvent des questions fondamentales sur la façon dont les particules solides évoluent dans l'espace, et comment la matière est assemblée pour former ultérieurement des planétésimaux. La compréhension de ce processus de coagulation est fondamentale pour la physique du MIS, mais aussi pour évaluer les masses et les taux de formation d'étoiles dans les galaxies, car l'émission des poussières est souvent le seul traceur disponible. La caractérisation de ces variations pourrait également être primordiale pour le succès de la mission Euclid.

Projet de thèse Le sujet de thèse proposé ici consistera en l'analyse de la DGL à partir d'observations de pointe des champs cosmologiques, obtenues avec Megacam sur le télescope Canada-France-Hawaï (CFHT). Ces observations sont les précurseurs des prochaines observations d'Euclid. Elles sont utilisées dans de nombreux aspects du traitement et de la préparation de l'analyse des données Euclid. Le sujet de cette thèse est d'en savoir plus sur la DGL en tant qu'émission contaminante mais aussi en tant que traceur de la poussière et de la structure interstellaires.

Plus spécifiquement, le but de la thèse est de caractériser les variations des propriétés des grains dans le MIS diffus en confrontant leur émission thermique du moyen-IR au submm avec leur capacité à diffuser efficacement la lumière visible stellaire. Les variations de l'abondance de carbone enfermé dans les grains, les changements de leur composition ou de leur distribution de taille sont dégénérées pour ces deux traceurs (Ysard et al. 2015). D'autre part, il est clairement établi que la diffusion est extrêmement sensible à la taille exacte des grains et à la composition de leur surface (ex: Ysard et al. 2016, 2018).

Pour modéliser la DGL observée, le point de départ sera le modèle d'évolution des poussières hétérogènes pour les solides interstellaires (THEMIS, Jones et al. 2017). En tenant compte de variations réalistes des propriétés de la poussière et en les mettant en œuvre dans le calculateur de propriétés optiques THEMIS, le/la doctorant/doctorante réalisera un modèle 3D de nuage de cirrus pour adapter les observations du visible à l'IR lointain et ainsi tracer les variations des propriétés d'émission, d'extinction et de diffusion de la poussière. Ce modèle sera ensuite utilisé pour prédire la diffusion visible pour Euclid en utilisant les données d'émission de la poussière sur tout le ciel, et, espérons-le, proposer des stratégies de séparation pour révéler le signal extra-galactique sur la plus grande surface possible.